Par Jean-Marin LEROUX-QUETEL
Docteur en droit
Avocat associé

Mise à jour du 29 janvier 2020


Annoncée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la réforme de la procédure civile (décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019) est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Elle emporte la disparition Tribunaux de grande instance et d’instance qui fusionnent en une juridiction unique: le Tribunal judiciaire.

Le Tribunal judiciaire est la juridiction des litiges opposant les personnes de droit privé (personnes physiques ou morales) lorsqu’elles n’ont pas la qualité de commerçant. Les deux autres juridictions majeures de l’ordre judiciaire sont : le Conseil de prud’hommes (les litiges relatifs à la conclusion, l’exécution et la rupture du contrat de travail) et le Tribunal de commerce (les litiges entre commerçants).

Le Tribunal judiciaire conserve en son sein les juges délégués du tribunal de grande instance :

En matière civile :

  • le Président du Tribunal judiciaire (référés et certaines matières qui lui sont attribuées par la loi);
  • le Juge aux affaires familiales (juge des contentieux de la famille);
  • le Juge de l’exécution (juge des contentieux de l’exécution : voies de recouvrement, difficulté d’exécution des jugements, etc.);
  • le Juge des libertés et de la détention (hospitalisation sous contraintes notamment);

En matière pénale :

  • le Tribunal de police (infractions contraventionnelles) ;
  • le Tribunal correctionnel (infractions délictuelles) ;
  • le juge d’instruction ;
  • le Juge des libertés et de la détention (détention provisoire, contrôle judiciaire, etc.

La réforme crée un nouveau juge délégué : le Juge des contentieux de la protection.

Les litiges dont avaient à connaître le Tribunal de grande instance la loi à un juge délégué) et le Tribunal d’instance (avec en son sein le Juge des tutelles) seront donc désormais de la compétence du Tribunal judiciaire sauf lorsqu’ils sont attribués à un de ses juges délégués dont le Juge des contentieux de la protection.

Quelles sont les compétences du Juge des contentieux de la protection ?

Le Juge des contentieux de la protection connaît de tous les contentieux qui étaient de la compétence exclusive du Tribunal d’instance en raison de la matière (ou de son Juge des tutelles) : surendettement, baux d’habitation, protection des majeurs, etc.

Il ne connaît cependant pas des saisies sur salaire qui sont désormais de la compétence du Juge de l’exécution (et qui auparavant dépendaient du Tribunal d’instance).

Le Tribunal judiciaire est donc compétent pour toutes les matières qui ne sont pas attribuées au Juge des contentieux de la protection ou à un autre juge délégué (Juge de l’exécution, Juge aux affaires familiales, etc.).

Le Tribunal judiciaire connaîtra donc de contentieux qui relevaient de la compétence du Tribunal d’instance : toutes les actions civiles réelles mobilières dont l’enjeu n’excédait pas 10.000 euros.

Il connaître évidemment des contentieux pour lesquels le Tribunal de grande instance avait une compétence exclusive (par exemple les actions en réparation du dommage corporel). Le maintien dans la loi nouvelle de cette notion de compétence exclusive n’est pas sans intérêt ; elle a en effet une incident sur les règles de représentation.

Le principe est que la représentation obligatoire par un avocat devant le Tribunal judiciaire est la règle. Le principe est également que la procédure est écrite. L’absence de représentation obligatoire par un avocat et le caractère oral de la procédure (subséquent) sont donc l’exception.

Représentation obligatoire Autre nouveauté importante introduite par le décret du 11 décembre 2019 est l’obligation pour le demandeur, avant tout procès, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative .

L’article 750-1 du Code de procédure civile n’est pas sans poser difficulté sur ce qui est concrètement exigé du demandeur (à peine d’irrecevabilité de l’action, sanction qui peut être soulevée d’office par le juge).

A lire également : Acquisition de la clause résolutoire et préalable de conciliation : réponse de la Chancellerie

Les alternatives sont :

1°. “Une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice”. Le texte est ici très clair : la conciliation doit avoir été initiée, le conciliateur de justice étant amené à dresser une sorte de procès-verbal de carence. Cette conciliation ne peut donc être celle prévue à l’article 825 du Code de procédure civile qui est une conciliation menée par le juge (et éventuellement déléguée à un conciliateur de justice) et surtout qui repose sur une saisine de la juridiction et ne peut donc constituer un préalable.

2°. “Une tentative de médiation”. Il n’est pas précisé “menée par un médiateur”. Cela confirme notre interprétation : si le législateur a pris le soin de préciser au 1° que la conciliation doit être menée par un conciliateur de justice, c’est pour exclure précisément la conciliation “judiciaire” de l’article 815 du Code de procédure civile. Comme pour la conciliation, le terme tentative nous paraît imposer la saisine d’un médiateur qui constatera l’échec de la médiation.

3°. “Une procédure alternative”. La procédure alternative est mode de règlement alternatif des conflits qui suppose l’intervention pour chaque partie d’un avocat. Ce préalable ne me paraît pouvoir être accompli que si le défendeur en accepte le principe et qu’un avocat intervienne à ses côtés.

Ce préalable n’est obligatoire que pour :

– les demande tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ;

– les action en bornage ;

– les actions relatives aux distances pour les plantations ou à l’élagage d’arbres ou de haies ; relatives constructions et travaux touchant à un mur mitoyen ; relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ; des contestations relatives à l’établissement et à l’exercice de servitudes.

Sauf :

– demande d’homologation d’un accord ;

– lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision attaquée ;

– motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

– si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

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