Les conditions de validité du mandat de vente

Par Jean-Marin LEROUX-QUETEL
Avocat associé
Docteur en droit

Mise à jour du 17 février 2023

Agents immobiliers, notaires et avocats peuvent recevoir mandat de leur client de négocier la vente d’un bien immobilier.

A cette fin est régularisé un acte communément dénommé « mandat de vente » mais qui est en réalité un mandat d’entremise puisque son seul objet est la recherche de potentiels acquéreurs en vue de négocier la vente d’un bien.


Cela n’est pas sans conséquence : l’agent immobilier ne peut en principe régulariser valablement une promesse, un compromis de vente et a fortiori l’acte de vente à la place de son client (le vendeur); il ne peut donc engager le vendeur. Cela signifie notamment que toute personne désireuse d’acquérir un bien ne peut en forcer la vente au motif qu’il a fait connaître à l’agent immobilier sa volonté expresse et non équivoque.

Est donc sans effet pour « l’acquéreur » l’envoi par l’agent immobilier d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant au vendeur la « vente » de son bien. Seule la régularisation d’un compromis de vente engagera le vendeur vis-à-vis de l’acquéreur. La solution serait différente s’il s’agissait d’un véritable mandat de vente, soit le mandat par lequel le vendeur demande à l’agent immobilier de vendre le bien en son nom. Il est assez rare en pratique.

Par souci de simplification, nous utiliserons l’expression usuelle de « mandat de vente » et non celle juridiquement plus exacte de « mandat d’entremise ».

L’agent immobilier – seul mandataire dont il sera ici question – est soumis à une législation très stricte destinée à encadrer sa profession. Il s’agit d’un ordre public de protection de la clientèle.

C’est la Loi HOGUET, loi du 2 janvier 1970 et son décret d’application du 20 juillet 1970 , tous deux dernièrement modifiés par la Loi ALLUR du 24 mars 2014 , qui régissent le mandat de vente.

La Loi HOGUET ne protège que les clients de l’agent immobilier et n’est donc pas applicable aux conventions que peut conclure un agent immobilier avec d’autres intermédiaires (agents immobiliers ou agents commerciaux).

Bien évidemment, la Loi HOGUET n’est pas exclusive de l’application du droit commun des contrats.

L’agent immobilier devra donc veiller à s’assurer :
Que le mandat a bien un objet certain (un bien existant et suffisamment identifié) et une cause réelle et licite ;
Que le client a la capacité juridique de vendre l’immeuble objet du mandat : il doit être non seulement propriétaire de l’immeuble mais également être apte à disposer (ce qui exclut les mineurs et les majeurs sous tutelle ou curatelle).


Dans l’hypothèse de la vente d’un immeuble par un mineur ou une personne protégée, il conviendra de recourir à l’autorisation du Juge des tutelles pour fixer les conditions du mandat qui ne pourront être ultérieurement modifiées qu’en sollicitant de nouveau son autorisation (ce qui peut être long compte tenu des délais de procédure.

La vente d’un bien indivis suppose que le mandat donné à l’agent immobilier soit régularisé par tous les indivisaires.

Si le bien immobilier constitue la résidence principale d’un couple marié et qu’il n’appartient qu’à l’un des deux époux, l’accord de celui qui n’est pas propriétaire est nécessaire, même en cas de séparation ou d’ordonnance du Juge aux affaires familiales autorisant les époux à résider séparément. Seul le prononcé du divorce fait cesser la protection dont bénéficie la résidence principale des époux (article 215, alinéa 3, du Code civil). Le consentement du conjoint peut toutefois être donné postérieurement au mandat.

Quelles sont les conditions de validité du mandat de vente au regard des dispositions de la Loi HOGUET ?

Le mandat doit avoir un support écrit, signé et dont chaque partie reconnaît avoir reçu un exemplaire original et être inscrit sur le registre des mandats tenu par l’agent immobilier.

La régularisation d’un mandat est non seulement impérative mais elle doit précéder toute diligence de l’agent immobilier ; à défaut (par exemple des visites du bien en l’absence de mandat), l’agent immobilier perd alors tout droit à rémunération (et encourt des sanctions disciplinaires).

Le mandat doit impérativement préciser à peine de nullité :
Sa durée: il lui faut donc un terme précis (à exclure les mentions comme « jusqu’à la fin du programme immobilier ») même en présence d’une clause de tacite reconduction (le mandat resterait néanmoins valable pour la période initiale) et sous réserve d’une durée raisonnable conformément au droit commun des mandats; depuis la Loi ALLUR du 24 mars 2014 ;
L’indication qu’il peut être mis fin à tout moment au mandat, passé un délai initial de trois mois (et avec un préavis de 15 jours), dès lors que le mandat comprend une clause pénale, une clause d’exclusivité ou une clause dite de « garantie de rémunération » (v. ci-dessous) et sauf l’hypothèse d’une vente par lots ;
La reproduction des deux premiers alinéas de l’article L. 215-1 du Code de la consommation relatifs aux conditions de reconduction des contrats de prestation de service (que le mandat stipule ou non une clause de tacite reconduction…) ;
Le montant de la rémunération de l’agent immobilier ou ses modalités de détermination, ainsi que la partie qui en a la charge (la Loi ALLUR impose l’emploi du mot « honoraires » en lieu et place du mot « commission ») ;
Le numéro d’inscription au registre des mandats sur l’exemplaire du mandat resté en possession du mandant (« vendeur ») ;
Les moyens employés et, le cas échéant, par le réseau auquel appartient l’agent immobilier, pour diffuser auprès du public les annonces immobilières ;
Le cas échéant l’indication des nom et qualité du collaborateur délégué par l’agent immobilier (le titulaire de la carte professionnelle).

Le non respect des ces exigences peut être soulevé d’office par le juge saisi d’un litige entre l’agent immobilier, le vendeur et l’acquéreur. La nullité du mandat prive évidemment l’agent immobilier de son droit à rémunération.

Il existe également des mentions spécifiques au mandat d’entremise régularisé dans le cadre d’un démarchage à domicile et de la vente de lots de copropriété. Elles feront l’objet de futurs articles.

Les principales clauses facultatives sont :

La clause d’exclusivité par laquelle le mandant (« vendeur ») réserve à l’agent immobilier la négociation de son bien s’interdisant de vendre lui-même ou par l’intermédiaire d’un autre négociateur professionnel; l’agent immobilier est ainsi à l’abri de toute concurrence.

En contrepartie, l’agent immobilier doit indiquer dans le mandat les actions qu’il s’engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.

Doit être reproduit en caractères très apparents le deuxième alinéa de l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 : « Passé un délai de trois mois à compter de sa signature, le mandat contenant une telle clause peut être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d’en aviser l’autre partie quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception »

La clause pénale par laquelle le mandant (« vendeur ») s’engage, s’il refuse à régulariser la vente aux conditions du mandat, à verser à l’agent immobilier une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts (en pratique une somme équivalente aux honoraires) et qui ne peut excéder le montant des honoraires qui auraient été dus à l’agent immobilier si l’opération avait été menée à son terme.

S’agissant de la clause pénale, il faut rappeler en la matière le pouvoir modérateur du juge qui peut soit en élever le montant s’il la juge dérisoire (hypothèse rare)  ou au contraire le réduire s’il la juge excessive.

La clause dite de « garantie de rémunération » par laquelle une commission sera due à l’agent immobilier par son mandant (« vendeur ») dès lors que le bien est vendu et que son rôle ait été ou non déterminant dans la réalisation de l’opération.

Ces clauses, avantageuses pour l’agent immobilier, doivent apparaître en caractères très apparents dans le corps du mandat (non dans des conditions annexes); à défaut, la sanction est sévère puisque c’est la nullité du mandat.

Certaines clauses ont été sanctionnées par la jurisprudence comme la clause par laquelle la rémunération reste due à l’agent immobilier en cas de résiliation amiable du compromis de vente (Cass. civ. 1ère, 28 mars 2000 : Bull. civ. I, n° 100).

D’autres clauses ont été réputées non écrites comme constituant des clauses abusives au sens des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation telle la clause autorisant l’agent immobilier à effectuer les démarches administratives nécessaires et à engager les frais administratifs nécessaires ou utiles au dossier (Cass. civ. 1ère, 2 octobre 2007, n° 06-14.238).

La Commission des clauses abusives a pour vocation d’émettre des avis et recommandations qu’il est intéressant de connaître pour anticiper l’évolution de la jurisprudence.

1 réflexion sur “Les conditions de validité du mandat de vente”

  1. la mention dans le mandat, d’une durée d’exclusivité “de un à trois mois” peut-elle être considérée comme imprécise ? Je n’ai de ce fait aucune indication sur la date “réelle” à partir de laquelle je peux dénoncer ladite exclu….

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