Responsabilité contractuelle et garanties légales des constructeurs
Par Jean-Marin LEROUX-QUETEL
Avocat associé
Spécialiste en droit immobilier
Docteur en droit
Mise à jour du 16 février 2023
Tout ouvrage procède de l’exécution d’un marché de travaux (ou de la vente d’un immeuble en l’état futur d’achèvement) aux termes duquel un constructeur (entreprise du bâtiment ou vendeur après achèvement d’un immeuble qu’il a construit ou fait construire) s’engage à le réaliser conformément aux règles de l’art et aux souhaits personnels du client.
Les garanties dues par le vendeur un vendeur d’un immeuble en l’état futur d’achèvement (promoteur) font l’objet d’une d’une présentation distincte.
Ce résultat doit être impérativement atteint. En cela, le constructeur a une obligation de résultat durant toute la phase d’exécution des travaux.
Les travaux terminés et acceptés sans réserve par le maître d’ouvrage (le client), se substituent en principe à la responsabilité contractuelle (1.) du constructeur des garanties légales (2.) qui tiennent compte de la spécificité de l’objet du contrat. Si par exception la responsabilité contractuelle du constructeur survit, c’est au titre de la théorie prétorienne dite « des dommages intermédiaires » (3).
1. Jusqu’à réception : la responsabilité contractuelle du constructeur
La location d’ouvrage (ou marché de travaux) est un contrat qui oblige le constructeur (artisan, entreprise du bâtiment, promoteur, etc.) à réaliser pour son client, le maître d’ouvrage, un ouvrage conforme à ses choix et aux règles de l’art (règles techniques du bâtiment).
Tant que les travaux ne sont pas considérés comme terminés par le maître d’ouvrage, ce dernier est en droit d’exiger que ce qui a été commandé soit parfait sur le plan technique et bien évidemment conforme à sa commande (par exemple la couleur des revêtements muraux extérieurs, le dimensionnement de l’ouvrage, la position des fenêtres, etc.).
Si le maître d’ouvrage n’est pas satisfait, il peut engager la responsabilité du constructeur pour obtenir des dommages et intérêts à hauteur du coût des travaux nécessaires pour obtenir l’exécution parfaite du contrat.
Cette phase contractuelle se termine donc lorsque le maître d’ouvrage accepte de recevoir les travaux que ce soit implicitement (notamment par le règlement complet du prix et la prise de possession des lieux) ou par la régularisation d’un document appelé procès-verbal de réception.
Lorsque le maître d’ouvrage n’est pas pleinement satisfait des travaux mais qu’il entend « globalement » les accepter, il peut exprimer dans le procès-verbal de réception des réserves. Elles ont pour objet de maintenir à l’égard du maître d’ouvrage son obligation de résultat en maintenant sa responsabilité contractuelle
C’est cette réception qui va marquer le point de départ des garanties légales dont bénéficie tout maître d’ouvrage.
Elle va également avoir pour effet de purger les non-conformités apparentes pour un client non-professionnel : un trou au milieu du mur, une fenêtre ovale là où elle aurait dû être rectangulaire, un mur peint en jaune alors qu’il avait été commandé en vert, et.
Il est donc essentiel d’être attentif lors de la réception de l’ouvrage sauf à être assisté pour cette opération de son maître d’œuvre.
La responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur avant réception doit être engagée dans les cinq ans de la réalisation des travaux litigieux, la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008 ne visant qu’à consacrer la prescription décennale appliquée par la Cour de cassation aux dommages intermédiaires (voir ci-dessous).
2. Après réception : les garanties légales
2.1. La garantie de parfait achèvement (un an)
Les travaux terminés, le maître d’ouvrage (le client) n’est en principe plus en droit d’exiger que le constructeur s’exécute parfaitement en reprenant des non-conformités ou des menus désordres sauf au cours de l’année qui suit la réception et pour les seuls désordres et non-conformités non-apparents lors de la réception (v. ci-dessus).
L’entrepreneur doit, après notification, effectuer les reprises ; à défaut, elles peuvent être exécutées aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant. L’action à l’encontre de l’entrepreneur défaillant doit impérativement être engagée dans le délai d’un an et un mois courant à compter de la réception. Une simple mise en demeure (par lettre recommandée avec demande d’avis de réception n’est donc pas suffisante).
2.2. La garantie de bon fonctionnement (deux ans)
L’ouvrage peut comprendre des éléments d’équipement qui, parce qu’ils ne font pas indissociablement corps avec, en constituent des accessoires, des « satellites » dont le mauvais fonctionnement ne peut à lui seul porter atteinte à la destination de l’ouvrage, ne peuvent relever de la garantie décennale (voir ci-dessous).
Ces éléments font l’objet d’une garantie particulière, la garantie de bon fonctionnement qui est due par le constructeur au cours des deux années qui suivent la réception de l’ouvrage.
Toutefois, la Cour de cassation a une interprétation (depuis une série de quatre arrêts rendus les 15, 29 juin, 14 septembre et 26 octobre 2017) de ce texte qui ne correspond pas à sa lettre. En effet, relèvent désormais de la garantie décennale (et non de la garantie de bon fonctionnement) “les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant (…) lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination”. On remarquera que l’extension du domaine de la garantie décennale est large puisqu’il s’étend désormais à des éléments d’équipement installés postérieurement à la réalisation de la construction et sans incorporation.
La garantie de bon fonctionnement ne bénéficie pas aux éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage (article 1792-7 du Code civil).
2.3. La garantie d’isolation phonique (un an)
La garantie d’isolation phonique n’est due que par le vendeur d’un immeuble après achèvement (ou le vendeur en l’état futur d’achèvement).
Aux termes de l’article L. 111-11 du Code de la construction, le vendeur est garant à l’égard du premier occupant et pendant un an à compter de la prise de possession du logement, de la conformité du logement aux normes minimales d’isolation phonique
2.4. La garantie décennale (dix ans)
La garantie décennale oblige le constructeur à réparer les « dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination » (article 1792 du Code civil).
La garantie n’est donc due que lorsque survient un dommage au cours des dix années suivant la réception de l’ouvrage ou que sa réalisation future dans ce même délai est une certitude.
Au-delà du terme de ce délai d’épreuve, le constructeur n’est plus tenue d’aucune garantie envers le maître d’ouvrage.
3. La théorie des désordres intermédiaires
La réception des travaux met en principe fin à la responsabilité contractuelle du constructeur.
Les garanties légales ne couvrant cependant pas, au-delà de l’année de parfait achèvement, les désordres ne relevant pas de la garantie décennale, la Cour de cassation a consacré le principe de survit de la responsabilité contractuelle pour les dommages dits « intermédiaires », soit les seuls dommages (non les non-conformités) ne relevant pas de la garantie de parfait achèvement, de la garantie biennale ou de la garantie décennale.
S’agissant de la responsabilité de droit commun, le maître d’ouvrage doit rapporter la preuve d’une faute du constructeur. Seules les garanties légales instituent une responsabilité de plein droit.
L’action du maitre d’ouvrage se prescrit par dix ans à compter de la réception. Cette solution jurisprudentielle contraire à la loi a été consacrée par la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 juin 2008.
Bjr, qu’en est-il de la découverte d’une non-conformité à l’ouvrage commandé, découverte quelques années après la réception des travaux mais avant la fin de la garantie contractuelle (<5 ans), mais ne provoquant pas un sinistre au titre des garanties biennale ou décennale ?
Autrement dit, l'ouvrage n'est pas conforme à ce qui avait été commandé, bien qu'il n'y ait pas de désordre dans la construction.
La réparation est-elle due, notamment au titre de la garantie contractuelle ?
Bonjour. Il m’est difficile de répondre à votre question. Tout dépend de la relation contractuelle avec le constructeur. Dans l’hypothèse classique d’un marché de travaux (donc hors VEFA et CCMI), le constructeur est exempt de toutes les obligations particulières à la vente d’immeuble à construire. Les non-conformités cachées à la réception ne peut faire l’objet que de la garantie de parfait achèvement : il faut agir dans l’année de la réception.
Bonjour, après le dépot du rapport d’expertise (dans le cadre d’un référé expertise), y a-t-il un délai maximum à ne pas dépasser pour une assignation au fond? Merci
Bonjour. Il n’y a pas de « délai maximum » pour agir au fond après dépôt du rapport d’expertise. Il existe différents délais pour agir avec des points de départ différents. Le référé-expertise va avoir pour effet d’interrompre la prescription ou la forclusion (le délai pour agir). Un nouveau délai court alors. L’expertise elle-même ne va avoir d’effets que sur les délais de prescription : la prescription est suspendue jusqu’au dépôt du rapport d’expertise. Il faut donc se méfier de la forclusion (garantie décennale, garantie biennale, garantie de parfait achèvement notamment). Exemple : J’ai réceptionné des travaux avec réserves. J’ai assigné dans l’année de la réception pour obtenir en référé une expertise. Je dois agir au fond dans l’année qui suit la décision ordonnant l’expertise même si elle est toujours en cours. C’est tout le danger de la forclusion qui n’a pas le même régime juridique que la prescription. J’espère avoir été clair sur cette question très technique.
Bonjour , j’ai signalé a l’entreprise deus désordres provenant pour le premier de chenaux d’une véranda qui fuyait et qui occasionne son délabrement , Le crépi tombe sous les chenaux et l’eau s’infiltre derrière le crépi ( constat du façadier lors du devis de reprise ) la décennale ne prend pas en charge ce genre de désordres et n’a même pas pris en compte la demande concernant des vitrages .
Les doubles vitrages présentent des défauts de taches blanches entre les deux vitres qui au fil du temps prennent de l’ampleur et finissent par faire paraitre des rayures entre les deux vitrages ( menuiseries noire volcan ) , cela a commencé en 2015 , certains ont été changé toutefois l’entreprise ne veut rien savoir depuis que son fournisseur a vendu
A qui incombe la réparation de cette fuite , les frais de ravalements de façade et les vitrages .
En vous remerciant par avance
Bonjour. La première question est de savoir si le crépi (ravalement) relève de la garantie décennale, autrement dit si c’est un ouvrage. Tout dépend de sa fonction. S’il n’est pas purement décoratif et permet par exemple l’étanchéité de la façade, il bénéficie de la garantie décennale. A contrario, seule la responsabilité contractuelle de l’artisan peut être engagée (dans les 5 ans). Si on est sur le terrain de la garantie décennale, il faut que les désordres qui affectent le crépi rendent l’ouvrage (y compris l’existant) impropre à sa destination, ce qui est le cas puisqu’ils ont pour conséquences le débordement des chenaux de la véranda et la dégradation de cette dernière.
S’agissant des doubles vitrages, qui constituent bien des ouvrages, la garantie décennale ne peut jouer qu’en cas d’impropriété à la destination : absence d’étanchéité, opacité partielle ou totale, etc. Si les désordres sont purement esthétiques, vous pouvez engager la responsabilité contractuelle de l’artisan dans les dix ans de la réception des travaux. Vous pouvez également envisager d’agir contre le fournisseur des vitrages.
Voilà quelques pistes. Je vous recommande vivement de consulter un professionnel du droit.
Bien cordialement.
Bonjour,
Je découvre votre site car nous sommes perdus.
Nous avons mandaté des artisans pour réaliser l’extension de notre maison l’année dernière. Cela fait plus d’1 an que nous avons réceptionné les travaux.
Nous découvrons des termites dans l’extension de notre maison. Nous faisons passer des sociétés en urgence et nous découvrons alors que la réglementation imposait la pose d’une barrière de protection. Nous appelons le maçon, il ne l’a pas posée au moment de la construction. Il dit qu’il ne nous l’a pas non plus facturée et qu’il n’avait pas devoir de conseil. Le dialogue est compliqué. De notre côté, nous souhaitions avoir un règlement à l’amiable en 50/50 pour prendre en charge les frais. Sauf qu’il dit ne pas vouloir / pouvoir débourser 1 euro.
Nous avons dépassé le délai d’1 an et ne sommes donc plus dans le parfait achèvement. Nous n’avons pas d’assurance dommage ouvrage. Nous avons bien la copie de sa décennale.
Que nous conseillez-vous svp?
Cordialement
Re bonjour,
Pour le moment, les termites ne rendent pas notre ouvrage impropre à la destination. Par “chance”, les entreprises nous ont affirmé que nous aucun dommage.
C’est ce qui me fait douter sur l’utilisation de la décennale puisque j’ai vu sur une affaire qu’un couple avait été déboutée par la décennale car l’ouvrage n’avait pas été rendu impropre. Il y a cependant un risque, avéré à mon sens puisque nous voyons les termites et ce depuis environ 15 jours.
Cordialement
Bonjour. J’ai acheté une maison neuve en janvier 2021 (construction neuve réalisée par un entrepreneur et non un promoteur, il ne s’agit pas d’un ensemble immobilier). Le permis de construire stipulait toiture végétalisée non accessible, la toiture végétalisée figure également sur les plans. Cette toiture étant inaccessible, j’ai demandé à mon fils il y a quelques semaines de regarder avec son drone ce qu’il en était. Et la surprise pas de végétaux mais simplement des graviers. Quel recours s’offre à moi? Merci pour votre retour. Cordialement